La Fondation Thalie a le plaisir de présenter Invisible, Seascapes, réunissant plusieurs séries photographiques et ensemble de sculptures de Nicolas Floc’h. Depuis une dizaine d’années, l’artiste développe une production liée à un état des lieux du paysage sous-marin face aux enjeux environnementaux. Précédemment exposés au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, Initium Maris et Invisible, réalisés en Bretagne, en Méditerranée ainsi qu’au Japon, sont présentés aux côtés d’une série de photographies et d’installations dédiées aux architectures de récifs artificiels. Cet ensemble met en lumière les recherches de Nicolas Floc’h marquées par une époque de transition et révèle l’impact du changement climatique sur l’équilibre des écosystèmes.
Nicolas Floc’h établit une typologie photographique des paysages sous-marins français et les met en perspective face aux pressions anthropiques, permettant la constitution d’un fonds photographique de référence. Paysages productifs amorcé en 2015 fait suite à la série Structures productives. Initium Maris permet d’approcher les paysages sous-marins et leurs transformations à l’Ouest entre Saint-Malo et Saint-Nazaire ainsi qu’au Japon. Au Sud, Invisible nous plonge dans un environnement périurbain en Méditerranée.
Commissariat : Nathalie Guiot
Initium Maris,
De la représentation du paysage sous-marin
Dans la culture occidentale, le mot «paysage» relève du vocabulaire des peintres. Il désigne, au début du XVIe siècle, un genre pictural qui artialise la réalité, révèle au lieu le paysage qu’il possède sans nécessairement le savoir. Ainsi, le paysage correspond à une sorte d’hommage à la nature qui naît une seconde fois par la magie des couleurs, des perspectives, des ombres et des lumières, des touches, des empâtements et autres effets créatifs de l’artiste.
Thierry Paquot, Le Paysage, Paris, La Découverte, collection Repères, 2016.
En quoi un sujet majeur, le paysage, continue-t-il à être déterminé à partir d’un héritage artistique et comment l’art, en dialogue avec les sciences, contribue-t-il à définir, comprendre et représenter le monde ?
Pour pouvoir considérer un espace, nous devons pouvoir l’appréhender et c’est au travers des représentations qui en sont faites qu’il existe.
L’immensité sous la surface, le milieu sous-marin, est pour beaucoup un non-espace ou celui d’une géographie imaginaire et recomposée. L’imaginaire est déterminé par le regard que l’on pose et s’agissant de l’océan, il se construit à partir d’un ensemble de filtres : le regard du biologiste, celui de l’explorateur, du sportif ou par l’accès, derrière la vitre, à l’environnement scénarisé et artificiel de l’aquarium… on ne perçoit que ce que l’on montre et on ne montre que ce que l’on voit.
L’observation, par le scientifique ou par l’artiste, est au centre de la construction de la recherche ou de l’œuvre. En effet, la connaissance passe par l’expérience, celle physique d’un territoire permettant de recueillir et d’analyser des données, de conceptualiser ou d’interroger cet environnement et ses représentations.
Ce que l’on nomme paysage est la perception d’un environnement, sans regard, sans expérience il n’est pas, il se construit, on le transmet. C’est la représentation d’une réalité. Pour Gilles Clément, le paysage est « ce qui est sous l’étendue du regard » et dans l’océan, c’est l’ensemble des habitats qui va former les paysages sous-marins – le fond, les roches, les algues et la colonne d’eau, c’est-à-dire l’espace allant de la surface au fond. Cependant, sous l’eau plus qu’ailleurs, le paysage est formé du visible et de l’invisible, dans un paradoxe sublime, l’invisible détermine le visible, le microscopique devient paysage, non par le biais d’un agrandissement, mais par accumulation dans l’immensité. Les planctons, les matières organiques et inorganiques dissoutes dans les masses d’eau deviennent couleur, densité ou transparence dans les vues panoramiques. Le vivant est partout, interagissant et déterminant cette spécificité de l’espace sous-marin où le point de fuite du paysage tend non pas vers l’horizon mais vers le monochrome. Ces couleurs, immersives et omniprésentes des masses d’eau, révèlent des paysages immenses et merveilleux surgissant des profondeurs. Ces étendues sous-marines se transforment, elles sont notre présent et notre avenir. Il me paraît essentiel et urgent de les représenter par des vues larges et de manière lisible dans leur banalité, leur diversité et leur complexité pour qu’elles apparaissent aux yeux du plus grand nombre.
Initium Maris fait référence à la région du Finistère, l’extrême ouest, et à son étymologie latine, Finis Terrae, la fin de la terre. Ce projet ne nous place donc pas à la «fin de la terre», mais au «début de la mer». Ce début est celui de l’exploration du littoral dans sa partie immergée, d’une expédition pour voir, montrer et penser l’invisible.
Texte de Nicolas Floc’h (in « Initium Maris, carnet de bord, 2019, Edition GwinZegal)
Nicolas Floc’h est né en 1970 à Rennes, France. Il vit et travaille à Paris, et enseigne à l’EESAB-Site de Rennes. Il est représenté par la Galerie Maubert à Paris et la Galerie LMNO à Bruxelles. Son travail a été régulièrement exposé en France et à l’étranger, notamment au SMAK, Gand, Centre Georges Pompidou, Paris, MAC/VAL, Vitry-sur-Seine, Palais de Tokyo, Paris, MAMM, Moscou, triennale de Setouchi, Japon, Musée Kyocera, Kyoto, Japon, MALI, Lima, Pérou, Matucana 100, Santiago, Chili. Au même moment que l’exposition à Bruxelles, Nicolas Floc’h présente son travail à la Villa Carmignac – Île de Porquerolles à l’occasion de l’exposition collective La Mer imaginaire.
Les séries présentées dans l’exposition ont été produites, pour la série Invisible, par le Parc national des Calanques, la Fondation Camargo, l’Observatoire des Sciences de l’Univers – Institut Pythéas (Aix-Marseille Université, CNRS, IRD), le Frac Provence-Alpes-Côte d’azur avec le soutien du ministère de la Culture, la Préfecture des Bouches-du-Rhône, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône et la Fondation Daniel et Nina Carasso. Pour le projet Initium Maris porté par Artconnexion, avec le soutien de la Fondation de France, la Fondation Daniel et Nina Carasso, l’Université du Littoral Côte d’Opale, l’Université de Lille, le CNRS, UMR 8187 – LOG – Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences, le Muséum national d’Histoire naturelle – Concarneau, Ifremer et la Fondation Thalie.
Informations pratiques
Exposition du 21 mai au 11 juillet 2021
Du mercredi au dimanche, de 14h à 18h, et sur rendez-vous
Entrée 7€ / 5€* / Gratuit**
*Demandeurs d’emploi, -26 ans, membres SMART
** Étudiants et enfants de moins de 12 ans
Visite de groupe guidée (8p. min. / 15€). Merci d’adresser votre demande ici
Pour assurer votre sécurité et respecter les conditions sanitaires, nous avons mis en place les mesures suivantes :
- Port du masque obligatoire
- Mise à disposition de gel hydroalcoolique
- Jauge de l’exposition limitée à 37 personnes
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Eeckman art & insurance, Maison Ruinart et Art Brussels Week.