Résidences 2021 à la Fondation Thalie
Faire salon
Hugo Pernet, Joseph Schiano di Lombo, Salvatore Arancio, Zoe Williams, Annelyse Gelman
Printemps. Automne. Hiver. Cinq artistes ont vécu différentes saisons de l'année 2021 au sein d'une maison bruxelloise. En ces murs et partout ailleurs, une double énergie guida un temps de résidence de recherche, alternant concentration et exploration, prospection intérieure et vadrouilles au dehors. La Fondation Thalie offre ainsi les moyens d'approfondir des projets au cœur d'une scène artistique impliquant plusieurs cercles d'action. Un élan centrifuge invitait à absorber toute information en la cueillant sur le terrain. Il s'agit de sortir un maximum pour s'exposer à un climat avec lequel chaque artiste a sa propre familiarité. Pour n'y être tout simplement jamais allé, connaître de passage, être venu ado pour boire des bières avec son père, en visite régulièrement, ou pour bientôt y faire son quatrième solo.
Home studio
À l'inverse de cette appétence pour l'extérieur, demeure une convergence, un espace à soi pour quelques semaines, où l'on est reçu autant que l'on reçoit. On travaille à la maison, mais pas dans la sienne. L'étude s'y développe au bénéfice d'une routine. Depuis la fenêtre de la cuisine, à côté de la machine à expresso, la vue donne sur la cour du voisin où deux lévriers de pierre patientent. Les canidés défilent au cours du séjour d'Hugo Pernet. Il y eut Maggi, puis Sénèque, Bo et Fog. Ouaf-ouaf. Woof-woof. Waf-waf. L'aboiement semble toujours aller par paire et il est passionnant de constater l'éventail d'onomatopées animales selon les langues. Il sera souvent question de traduction et de correspondance tout au long de cette session annuelle, infusée par une capitale structurellement bilingue, quitte à emprunter par défaut un parler tiers.
Open tiramisu
Leurs patronymes transalpins n'ont rien à voir avec leur venue simultanée après l'été. Joseph Schiano di Lombo et Salvatore Arancio se sont retrouvés à cohabiter ici un moment. Le premier vient de sortir un album à destination du meilleur ami de l'homme intitulé « Musique de niche ». Le second est habitué au temps de chien pour avoir vécu plus de deux décennies à Londres. Ensemble, comme les trois autres, ils rencontrent commissaires et journalistes, parcourent les ateliers des autres, font la tournée des galeries, fouillent les bibliothèques avoisinantes et visitent les alentours. Joies et indélicatesses des mondanités rythment les échanges, au comptoir enjoué ou à la mauvaise place d'un dîner, frôlant différentes communautés. Les domaines des écritures créatives et des arts visuels, diction et image, environnent chacune des sensibilités accueillies, en diverses proportions.
Studio étrangère
Un irrésistible attrait pour les brumes ostendaises rougissent les lèvres. Un allure féline s'installe progressivement. Miaou. Meow. Miauw Et pourquoi pas Mao. On gratte la guitare en surprenant tout le monde avec sa voix, et allume de l'encens en attisant les rumeurs. Annelyse Gelman et Zoe Williams envoûtent à leur manière. On se permet de s’engueuler lors d'une manifestation antivax à la Gare Centrale et se nourrit de nos incompréhensions. Elles viennent d'ailleurs, et préfèrent les mauvaises herbes. À leur tour, elles inventeront une version de l'ouverture d'atelier sans en avoir un, partage d'hospitalité là où la pensée se fabrique. Il s'agit d'investir la domesticité sans salir. De s'immortaliser dans les décors d'autres bâtisses du quartier. De faire les poubelles des restaurants chics pour collecter des coquilles d'huîtres. Et d'aller enfin voir l'Atomium.
Intervenants
Joël Riff est commissaire d'exposition.
Pour Moly-Sabata, la plus ancienne résidence d'artistes en France dont il rejoint l’équipe en 2014, il initie plusieurs projets par an et invite des artistes en séjour de production. Il fonde en 2008 la chronique Curiosité qu’il publie chaque lundi matin, contribue à la Revue de la Céramique et du Verre ainsi qu’aux catalogues du Salon de Montrouge, et répond régulièrement à des commandes de textes. Il enseigne depuis 2010 à l'École Duperré. En 2021, il travaille notamment sur « Tête-à-tête », la prochaine exposition personnelle de Caroline Achaintre à la Galerie Art:Concept à Paris, prépare les expositions collectives « Empire et royaume » à Art-O-Rama (Marseille), « Faire essaim » à Moly-Sabata ainsi qu'« Une vie analogue » à The Pill (Istanbul), et concourt à la première monographie de Marion Verboom aux Éditions Dilecta.