Anna TOMASZEWSKI

A partir d’éléments glanés — objets trouvés, concrétions géologiques, résidus — Anna Tomaszewski suit les pistes données par la matière, qu’elle prolonge, cristallise et amplifie

pour réaliser sculptures, installations ou performances. Ses oeuvres, recompositions fragmentaires, écosystèmes matériels et poétiques, invitent à une navigation du regard et des sens. En explorant et connectant les matières et les mondes, ceux de l’organiques et de l’inorganique, du naturel ou de l’artificiel, de l’humain et du non-humain, l’artiste fait un travail d’observation de détails, de connexions entre les univers, micro— et macroscopique, terrestres et souterrains, terriens et cosmiques. C’est en opérant par fragmentation, relation, vides et pleins, qu’Anna compose ses oeuvres en forme de constellations : les objets se relient, les temps se combinent et se tressent : durée longue, ancienne, profonde des choses semblant fossilisées ; celle, tournée vers l’ailleurs, l’à venir et le lointain des roches spatiales, de géologie extra-terrestre; et le présent, monde terrestre transformé, dégradé par l’accumulation exponentielle des productions, des plastiques et de polluants. Autant de bouleversements biologiques et technologiques, écologiques et philosophiques, que les travaux de l’artiste explorent et exposent — oeuvres ouvertes, en processus, en (re)compositions. 

Anna lit dans les matières. Elle s’intéresse aux départs de fiction qu’elle trouve dans des rencontres avec certaines pierres trouvées, par exemple, ou avec les restes d’un objet qu’elle a glané. Les écosystèmes qu’elle imagine sont comme des manières d’hybrider les mondes matériels, de complexifier les oppositions entre nature et culture, les distinctions de plus en plus floues, de nos jours, entre pureté et synthèse. Elle est d’ailleurs venue à Bruxelles dans l’idée de continuer une recherche qu’elle avait entamée sur les plastigomérats. Ces matériaux, formés par la sédimentation des matières plastiques (produits par l’activité humaine) et la roche présente dans les sols de la Terre, sont aujourd’hui considérés comme des roches sédimentaire semi-naturelles ; c’est à dire qu’elles sont composées de toutes sortes de matériaux naturels — roche volcanique, sable, coquillages..) dans lesquels s’infiltrent les résidus de plastique pour former une substance nouvelle. Produits de la dégradation et de l’assimilation de la pollution, les plastigomérats marquent, pour les scientifiques, l’entrée dans un nouveau cycle géologique : celui du plastique. Symbole de l’ère anthropocène, ce nouveau type de roche a inspiré Anna, tant elle pointe dans différentes directions à la fois, sans pour autant se résoudre à une définition unique : résultat d’une contamination chimique des sols, ces roches sont aussi des « monstres » géologiques, tout comme le produit d’une certaine résilience des écosystèmes. Inspirée par le statut indécidable de ces matériaux, Anna a souhaité travailler avec l’atelier de recyclage Le Bel Albatros, situé dans la commune d’Anderlecht près de Bruxelles. Là, elle a pu expérimenter avec une série de matières plastiques, d’objets collectés, et de techniques diverses. Elle a notamment employé le thermoformage pour produire un ensemble de rochers plastiques, sorte de météorites de synthèse, formant une constellation lumineuse et fascinante, à la matérialité trouble et futuriste.

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Le projet d’Anna Tomaszewski (1989, France), artiste franco-polonaise, s’inscrit dans le prolongement de ses travaux autour du glanage, pratique qui s'inscrit dans le recyclage de fragments/détritus. Inspirée par l’entropie, elle développe un ensemble de formes sculpturales en déplaçant des espaces existants vers d’autres écosystèmes. En sondant l’interstice entre le monde connu et l'espace imaginaire, elle déniche des fragments catalyseurs de nouvelles fictions. En 2014, elle reçoit le Prix de la jeune création de la Ville de Nice. Sélectionnée au Salon de Montrouge, son travail a notamment été exposé à la Villette, Fondation Fiminco, Villa Belleville, 22,48 m2, galerie Cetraro, Centre International d'Art et du Paysage de Vassivière, Villa Arson, Espace d’art contemporain Les Roches.

 

Les artistes sont accompagnés par Yann Chateigné Tytelman, commissaire invité des résidences 2024.